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la murgueto (1)

13 Novembre 2018 , Rédigé par AB Publié dans #Ecrits

                                           La murguète

 

 

       Quand elle était née, elle était déjà minuscule. A la maternité de Tarbes où sa mère était arrivée, après de nombreux kilomètres en voiture, tout le monde s'était exclamé sur l'extrême délicatesse de cette miniature. « Un souffle d'air pourrait l'emporter ! » s'était même exclamée l'infirmière.

     

       Le lendemain de sa naissance, son grand-père et sa grand-mère étaient descendus de la ferme, avec la vieille deux chevaux pour contempler ''la merveille''. De leur temps, on naissait à la maison, dans une chambre ombreuse à édredon rouge. A la maternité, dans cette pièce lumineuse éclairée au néon, Jean et Lucienne se sentirent mal à l'aise. Jean ne voulut pas s'assoir et, tout le temps où il resta debout, il tourna son béret dans ses mains brunes et crevassées. Lucienne, moins timide, s'approcha du berceau de plexiglas, le tâta d'un index pensif et se pencha enfin sur la petite créature. '' Elle est minuscule ! Une vraie murguète !''  C'est ainsi qu'on appelle les souris dans les Pyrénées. Bien qu'on l'aie finalement baptisée Alexandra (« un nom russe ! », avait soupiré Papi) tout le monde s'accorda vite à ne l'appeler plus que Murguète.

 

      Murguète était si petite que bien souvent on l'oubliait. Sa maman l'oubliait au fond du chariot de supermarché qu'elle n'arrivait pas à suivre à cause de ses petites jambes. A la maternelle, la maîtresse l'oubliait, à la fin de la récréation car, assise à croupetons contre le grillage, elle ne tenait pas plus de place qu'un moineau. Papa l'oubliait dans la voiture parce que, même quand elle partit à l'école primaire, sa tête n'atteignait pas encore la vitre.

 

      Jean et Lucienne adoraient leur Murguète mais la tenaient éloignée du bétail.

 « On ne sait jamais ! » disait Lucienne qui connaissait bien ses vaches et savait qu'au moins trois d'entre elles n'étaient pas commodes. Alors Murguète s'installait sur le petit banc, dans la cheminée qui lui faisait comme une cabane, et là aussi on l'oubliait. Et c'est ainsi qu'au fil des conversations  de Jean et Lucienne, mi en patois, mi en français, elle eut connaissance de choses que ses petites oreilles d'enfant n'auraient jamais dû entendre.

 

      Or voilà qu'un jour, elle les entendit parler de la Reine des Marmottes. Grand-père et grand-mère chuchotaient tout bas que cette Reine des Marmottes se reconnaissait parmi les autres au grelot d'or pendu à son cou. Il se disait même que, le jour de la Saint-Laurent, ce même jour qui précède la nuit où le ciel pleure des comètes en larmes de feu, si on touchait le grelot d'or de la Reine des Marmottes, on pouvait voir n'importe quel vœu exaucé. 

 

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